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Moi à côté de moi
19 mai 2008

le levier

Y’avait rien a y faire, j’étais homnibulé par le levier du frein d’urgence. Une notice indiquait que quiconque l’utilisait sans raison pouvait être passible d’une amende pouvait atteindre les 500$. Mais ça, c’était une bagatelle pour moi, le cadet de mes soucis. Ce que je voulais, c’était tirer sur cette manette, expérimenter moi-même, voir si ce levier avait vraiment cette fonction. J’en étais tellement absorbé que pendant l’espace d’un instant, j’eus l’impression de voir des yeux s’ouvrir sur le levier et une bouche dire frénétiquement : « Abaisse-moi! Abaisse-moi! Abaisse-moi! Abaisse-moi! »

Je savais que je n’allais pas pouvoir y résister longtemps.

Je pense que c’est une maladie que j’ai depuis mon enfance. Cette envie irrésistible d’enfoncer, d’abaisser, d’appuyer sur le moindre bouton ou levier mis en face de moi, surtout s’il est rouge. Ma personnalité me poussait à expérimenter sur toutes sortes de machines ou de bidules non sans parfois m’attirer quelques ennuis. Aussi, dès l’âge de 5 ans, j’avais déjà beaucoup d’expériences à mon actif. Je me souviens avoir déversé le contenu d’un aspirateur dans la chambre de mes parents en actionnant la fonction « reverse », avoir laissé une machine à café fonctionner toute une nuit sans café ni eau à l’intérieur, juste pour voir le clignotant rouge. Une fois, j’ai tiré le levier du capot de la voiture de mon père en omettant de lui dire. C’est seulement quand il s’est engagé sur l’autoroute qu’il a compris trop tard que j’avais encore fait un truc. Le capot s’est arraché pour aller s’écraser sur le pare-brise de la voiture de derrière. À partir de ce jour, je me suis mis à faire des paris sur la théorie du chaos et à essayer toute sortes de légendes urbaines. Vous savez, la fontaine du parc victoria qui déborde de savon à chaque année dans la rue et qui crée l’affolement chez les conducteurs. C’est moi qui déverse des litres de savon dedans. Le sucre dans le réservoir à essence, courir avec une tige de métal dans la main pendant un orage, uriner sur une clôture électrique. Appuyer sur l’arrêt d’urgence dans l’ascenseur. Une fois, je me suis même amuser à me promener avec une pancarte « arrêt » et la mettre sur la route à des endroits inhabituels, comme en plein milieu d’une autoroute. Et oui, je me suis souvent blessé, et oui, l’on m’a souvent arrêté, mais c’est normal…enfin dans ma condition.

Mais revenons à nos moutons. Cessons de parler de ma vie pour être plus présent avec cette manette qui me regarde. J’observe autour, je tâte le terrain pour voir si l’opération est possible sans me faire prendre. Il y a une vieille dame assise au fond du wagon et elle semble perdue dans ses pensées. J’en déduis que j’allais pouvoir passer à l’acte sans problème. Je m’avançai tranquillement vers le levier quand la vieille dame me regarda fixement puis me dit : «Fait-le! Fait-le! Fait-le!» Je chuchotai « T’inquiète mémé, je vais l’abaisser, cette putain de manette!». Pas besoin de vous dire que ce court entretien se passait seulement dans ma tête. Grand-mère était encore bien perdue, qui regardait le vide.

Nous allions bientôt passer dans un tunnel et c’est à ce moment-là que j’allais commettre mon crime. Le tunnel arriva, puis j’eus l’impression que le temps s’arrêta. Ma main agrippa le levier entre le passage des stries de lumière, puis l’abaissa. L’équivalent de 5 secondes qui me parurent une éternité. Un bruit de crissement retentit, suivit d’un bruit sourd et les lumières d’urgence s’allumèrent. Mémé avait la gueule écrasée dans sa marchette. J’ouvris la sortie de secours et me mis à courir dans le tunnel avec le sentiment de mission accomplie quand je croisai un aiguillage de rail avec un autre levier qui me regardait aussi. À ce moment, je me suis demandé si j’allais le faire encore une fois..

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