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Moi à côté de moi
2 avril 2007

Très loin dans ma tête

Ça fait maintenant plus de deux heures que Karl est assis seul dans ce bar miteux de l'auberge centre-ville. En fait c'est comme cela depuis maintenant trois soirs de suite. Vers 10 heures, Karl se dirige vers ce bar, commande une bouteille de vin rouge, puis une autre, puis encore une autre. À chaque fois, il ressort du bar en rampant, malade comme un chien et entre chez lui pour dormir toute la journée. C'est que rien ne va plus pour lui depuis un bon moment.

Et c'est étonnant, ce qu'une fraction de seconde peu déclencher comme série d'événements qui détruisent un vie. C'est qu'un matin, aussi ordinaire que les autres, s'est transformé en tragédie pour Karl. Et maintenant, il noie sa douleur et ce qui lui reste de conscience dans le fond d'une bouteille

Deux mois plus tôt:

- "Karl, Susie a encore ratée sont autobus, il faudra que tu ailles la conduire à l'école!"

- "Oh! Merde Sophie, je vais encore être en retard pour le travail."

-"Tu te souvent de notre accord, la dernière fois, c'était moi qui l'a reconduite."

Karl finit de se raser. Sa fille, Susie, attends près de la porte d'entrée, les yeux pleins d'eau.

- "Susie, essaie de faire un effort pour prendre le bus à temps, ta mère et moi ne pouvons pas toujours aller te porter." dit Karl sur un ton assez rude.

En voyant les yeux de sa fille pleins d'eau, il se radoucit et lui donne un baiser sur le front. "T'inquiète pas, tu vas arriver à temps." dit-il.

Ils se dirigent tous les deux vers la voiture que Karl avait démarré à distance. Un vent froid et de la neige poudreuse leur brûle le visage et ils se dépêchent d'entrer dans le véhicule.Deux minutes plus tard, ils sont en route vers l'école.

-"Papa, je ne veux pas aller à l'école." dit Susie dans une voix pleine de sanglots.

- "Écoute, je sais que ce n'est pas facile d'être dans une nouvelle école, mais tu vas te faire des amis, tu vas voir, tu vas avoir plein d'amis. Tiens, tu pourrais inviter un enfants de ta classe en fin de semaine! Pourquoi pas ce Samuel dont tu m'as parlé hier?"

- "C'est vrai? Je peux l'inviter?" dit Susie avec étonnement.

-"Pourquoi pas?"

Karl détourne les yeux et regarde sa fille qui abore maintenant un joli sourire, le même qui l'avait fait tomber sous le charme de sa femme Sophie, il y a mainetant deux ans. Malheureusement pour Karl, ce sera la dernière fois qu'il verra le sourire de sa fille.

-Papa! Attention!

Karl, n'a pas eu le temps de voir la voiture devant eux, qui dans un virage, a fait un tête-à-queue. À 90 km/h, il ne peut freiner et sa voiture emboîte l'autre véhicule.

Quand Karl revient à lui, il entend des sirènes qui semblent encore loin. Il a un énorme mal de crâne et un peu de sang coule de son front. Il tourne son regard dans la direction de sa fille. Susie ne bouge plus. Karl ne voit qu'un amas de feraille qui s'enfonce dans la poitrine de sa fille. Les yeux  de Karl s'embrouillent parce qu'il sait que sa fille est déjà très loin.

Après l'enterrement, l'atmosphère de la maison familliale en souffre terriblement. Un froid y règne comme si l'on y avait laissé les portes ouvertes en plein hiver. Karl et Sophie ne se parlent presque plus. Sophie en veut à Karl et un gouffre s'est installé entre eux depuis.

Quant à Karl, il s'est enfermé dans son travail de mécanicien et ne revient que très tard le soir. Il ne mange pas, ne dit rien, il ne fait que dormir et aller au travail.

Trois semaines passent.

- "Je te quitte Karl, je ne suis plus capable de vivre ainsi." dit sophie en larme.

Mais karl ne réagit pas à la nouvelle. Il est très loin, caché au fond de lui-même. Sophie part pour ne plus revenir.

Bientôt, au travail, Karl n'est plus en mesure de se concentrer, ce qu'il fait ne l'intéresse plus. Plus rien ne l'intéresse. Un matin, il décide de ne plus rentrer à l'ouvrage.

Et nous volà maintenant dans ce bar où Karl est encore trop soûl. Mais ce soir, il y a du changement dans l'air. Ce soir, Karl veut en finir avec l'énorme vide qui a pris la place de son coeur. Il termine sa troisième bouteille et sort dehors. Il se dirige en direction du pont pour piéton de Chicoutimi. Ce pont qui servait de passage principal aux automobilistes il y a maintenant plusieurs années de cela.

Il doit être environ 1 heure du matin et le temps est doux, on peut voir la lune et quelques étoiles dans le ciel.

Arrivé au milieu du pont, Karl grimpe sur la rampe et regarde le Saguenay encore glacé en fin de février. Il a l'impression d'entendre un écho au loin, les vestiges de la voix de sa fille qui se sont perdus dans le temps: "Papa, ne saute pas!"

Karl ferme ses yeux sur quelques larmes et se retourne sur la rampe. Il se laisse tomber dans le vide, sur le dos, les mains en croix. Son corps percute la glace. En même temps que celle-ci se brise, tranquillement, il sent quelques os se casser. Son corps s'enfonce lentement dans l'eau.

Karl se réveille dans son lit aux cotés de Sophie. Il se lève et se dirige vers la chambre de Susie pour y vérifier qu'elle dort encore. Rassuré, il retourne à sa chambre et s'assoit sur le cadre d'une fenêtre pour regarder l'extérieur. Dehors, il fait encore noir et une neige douce tombe à plein ciel. Sophie se réveil et vient l'étreindre.

-"Tu n'arrives pas à dormir?"

-" J'ai juste fait un mauvais rêve, mais maintenant c'est fini." dit Karl d'un voix rassurée.

Mais nous savons pertinemment que, dans un univers parallèle à ce ciel, accessible seulement par la mort, un col bleu matinal a  dû repêcher le corps d'un homme dans le saguenay.

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Commentaires
A
Merci pour le lien ! Du coup, j'ai fait le tour de ton blog, y a des trucs chouettes! Parfois, j'ai ri. ET j'ai bien aimé, ta sincérité. Bonne continuation !
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