Toxique

Ça y est ! Je commence à perdre des dents. Une à une. Depuis une semaine, elles se détachent aussi aisément que lorsque l’on enlève les grains d’un épi de maïs séché. C’est comme ça!

Ah!, je perds aussi mes cheveux. Eux, ils tombent par touffes. C’est drôle, on voit des trous couleur peau dans ce qui reste de ma fantastique chevelure rousse.

En fait, pour tout vous avouer, je tombe en morceaux depuis maintenant 2 semaines et je crois bien en connaître la cause. C’est que depuis un certain temps, j’ai quelques problèmes financiers. Tellement graves que je me suis résolu à faire une partie de mon épicerie chez Dollorama. Vous connaissez, le magasin où tout se vend à un dollar?

Donc, il y a de cela maintenant deux semaines j’ai fait mes courses en cet endroit. J’y ai acheté tout ce qui semblait hypothétiquement mangeable; biscuits, pâtes alimentaires, riz, sauces, noix, conserves de viande en flocons et des huîtres.

Je reviens chez moi et comme les jours se suivent et se succèdent je me mets en tête de consommer mes achats avant que la famine se charge de mon sort.

Un soir, en revenant chez moi, j’ouvre le téléviseur pour m’abreuver des infos comme à tous les soirs. Alors que je commençais à m’endormir devant mon poste, une alerte alimentaire passe, au sujet des huîtres achetées dans les magasins Dollorama. On expose différents cas d’empoisonnement alimentaires et quelques effets secondaires ressentis suivant la consommation  du produit. « Si vous avez à la maison l’une de ces boîtes, vous ne devez en aucun cas manger son contenu » explique le commentateur.

Malheureusement pour moi, nous sommes mercredi soir, la paie ne rentre pas avant minuit. Le garde-manger brille de tout son  espace vacant et il ne me reste plus que cette malheureuse boîte d’huître qui me regarde des ses yeux cartonnés. Comme je n’ai rien d’autre et que je suis affamé, je décide de courir le risque de manger les mollusques.

Aussi, en ouvrant la boîte, je me rends vite compte que la couleur n’est pas la bonne.  Au lieu d’être habillées d’un liquide vert vomi, mes huîtres sont brunes excréments. Pourtant, elles sentent ce qu’elles doivent sentir, alors je dévore le contenu entier.

Une semaine après, j’ai commencé à perdre mes ongles. Ils ont presque pris composition chimique du verre et se sont brisés dans mes gestes anodins.

J’ai donc décidé de me rendre à l’hôpital pour voir un médecin. D’habitude, quand je me présente à l’urgence, je dois attendre au moins 18 heures dans la salle d’attente. Peut-être plus, j’ai une très mauvaise notion du temps. Mais pas aujourd’hui. L’infirmière a juste eu le temps de me dévisager  d’un air  dégouté pour me diriger de vitesse dans une salle  de diagnostique.

Une minute plus tard, un médecin entre. Il ne prend pas même le temps de me saluer.

-     Monsieur Georges, vous souffrez de la dolloramatite, une maladie dont les dommages sont irréversibles. Il est cependant possible d’arrêter sa progression. Pour cela, vous devez prendre votre vélo et pédaler à reculons sur une autoroute. Cela va tellement vous faire peur que la bactérie qui vous ronge va s’enfuir.

Le médecin me regarde sans broncher d’un air grave.

-      Bordel, qui vous a donné votre diplôme! C’est vous qui devez souffrir de la dolloramatite!

Rentre chez moi en pétard avec un mal de ventre atroce.  Aussi je prends la direction des toilettes sans tarder. Assis sur le bol, je mâche mes mots d’injures en me remémorant  l’événement de l’hôpital.  J’ai soudainement l’impression que quelque chose d’énorme est sorti de mon rectum. Je regarde dans la lunette de toilette. Vous savez, je ne suis pas fort en biologie, mais que crois que c’est ma vessie ou un truc du genre qui est tombé…

Derrière l’enfant, des bruits de pas se font entendre. Sa mère lui dépose un baiser sur le front.

-          George, à quoi tu joues  mon poussin, nous devons aller faire des courses.

-          Oh maman, je n’avais pas fini de jouer à l’homme radioactif… Où ont va?

-          On va à l’épicerie et ensuite nous devons passer au Dollorama..