Acheter le temps
Je regardais l'image que me renvoyait le miroir et je sentais que j'avais presqu'atteind ma limite. À travailler huit jours sur sept, y'avait de quoi brûler la chandelle par les deux bouts. Même si j'étais encore jeune (à vingt-huit ans, on l'est encore) j'étais déjà au bout du rouleau. Je fixai quelques instants les cernes sous mes yeux en me disant que même dix minutes de sommeil de plus auraient été bénéfiques pour mon moral.
J'en étais las, me demandant encore si tout cela valait vraiment la peine de vivre ce rythme de vie. Tout cela pourquoi donc? Une petite voix interne répondait déjà à cette question contre moi-même : « Il de faut de l'argent pour te payer tous tes trucs, du succès, tu dois bien paraître aux yeux de tous, être un bon parti, plaire aux femmes, à ta société, T'es pas de ceux qui ne font rien toi, non! »
Je me mis en route pour me rendre à mon travail puis fis un arrêt à une station service mon trajet.
- Bonjour, je voudrai acheter une canne de temps dis-je sur un ton nonchalant.
- Vous voulez dire une carte de temps d'antenne pour votre cellulaire? répondit le commis.
- Non, je veux une canne de temps, environ l'équivalent d'une heure s.v.p.
- Euh.. Désolé, nous n'avons pas ce type d'article en inventaire me dit le commis sur un ton irrité.
Les gens de la station me dévisagèrent avec dédain. Je quittai les lieux, bredouille, pour arriver à mon boulot 5 minutes plus tard. J'étais dans l'allée des best-sellers m'éreintant à ranger des livres quand j'ai eu subitement un malaise. Vous connaissez cette sensation de fatigue si intense, que vous voudriez crever pour que cela cesse, vous vautrer dans la douceur pour ne plus jamais en sortir, une sensation de détresse, c'est ce que je ressentais.
Puis quelque chose que je n'ai compris qu'après plusieurs minutes s'est produit. Comme si j'avais été expulsé de mon propre corps. Je ne voyais de l'extérieur, automate, continuant à ranger des volumes. Mon esprit s'est effondré sur le sol, mon homologue toujours à la tâche. Je pouvais bien continuer de dormir au milieu de l'allée, rester dans ma fuite, le travail allait se faire de toute façon.