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Moi à côté de moi
18 septembre 2008

La rouille

Quand j’ai vu que ma main commençait à rouiller, il était trop tard pour que mon système cardiaque fasse marche arrière. Le système pénal règlementé par les lois humaines s’était enclenché sans retour possible. Remarquez, même si j’aurai voulu, il m’était impossible de pirater un sentiment.

 

Tout ce qui découle de cette situation a commencé, il y a environ un mois lorsque ma maîtresse a fait mon acquisition. En fait elle semblait très heureuse de m’acheter, moi, le dernier modèle de robot humanoïde mis sur le marcher. Et les tâches domestiques n’étaient pas très compliquées, la routine, sortir les poubelles faire le ménage, jouer avec le chien. Tout ça, c’était rien de compliqué, c’était dans ma base de données et je m’acquittais de toutes ces petites routines comme un automate. Régine, ma maîtresse demandait et j’exécutais, sans questionnement.

 

Nous, les robots humanoïdes sommes régis par des lois et nous devons obéir aux humains à la lettre ou être néantisés. D’après ce que j’en sais, les humains ont eu des craintes à un certain moment d’être remplacés par des robots et ont créé des lois qui sont imbriquées au travers de notre système sensoriel et émotionnel afin de garder un contrôle et d’éviter les mauvais fonctionnements. D’après cette loi, un robot humanoïde doit inhiber certaines émotions dites propres à l’homme. Cela ne signifie pas qu’un robot ne peu être triste ou malheureux. Nous avons même le droit d’être en colère avec un certain contrôle.

 

De ce fait, les hommes n’étaient que peu familiers avec les robots. Nous étions des outils. Mais pas du point de vue de ma maîtresse. En fait, elle me parlait souvent comme elle parlait avec les autres êtres humains. Lorsqu’elle revenait du travail, elle me demandait souvent si j’avais passé une belle journée, me racontait la sienne ou discutait de sujets existentiels dont je ne comprenais pas vraiment le sens tellement leur description me semblait illogique ou abstraite. Ce n’était pas très grave a mon avis car j’étais un robot choyé. Elle prenait le temps de s’occuper de moi et semblait se soucier de mon bien-être. J’étais heureux de servir cette femme et je m’appliquais à la tâche.

 

Ma maîtresse, elle était cependant une femme très malheureuse. C’est qu’elle avait perdu son mari depuis 2 ans et ne s’en était jamais complètement remise. Parfois dans la nuit je la surprenais pleurant dans sa chambre. Lorsqu’elle se rendait compte de ma présence, elle me faisait entrer dans la pièce et m’approchait près d’elle en me demandant de la serrer dans mes bras. Elle disait que mon étreinte lui rappelait celle de son mari et que cela la réconfortait. Je voyais mal comment des bras de plastique et de métaux articulés pouvaient lui rappeler ce souvenir, mais curieusement, je me sentais bien aussi.

 

Étrangement, je me suis mis à apprécier ces moments avec ma maîtresse. Pas que j’aimais la voir triste, mais la prendre dans mes bras artificiels me semblait être un privilège que peu de robots devaient avoir vécu. Je me surpris à avoir hâte du retour de Régine de son travail. J’avais de la difficulté à me concentrer sur mes tâches.

 

Un soir, alors que j’étais avec Régine, un autre de ces soirs de mélancolie, elle a fait quelque chose que je croyais impossible pour un robot et ce qui en suivit en démontrait bien que cela m’était bien inaccessible. Ma maîtresse venait de poser ses lèvres sur les miennes. Au même instant, mon système émotionnel a craqué et le système pénal s’est enclenché. Pour la première fois j’avais eu un sentiment qui me coûtait la néantisation. Ma main s’est mise à rouiller puis le reste de mon corps. Ma vision s’est obscurcie et mes membres ont commencé à devenir poussière. Ma dernière vision fut les larmes de ma maîtresse qui m’avait fait connaître le sentiment prohibé de l’amour.

 

Merci pour tout Régine.

 

* * *

 

Régine se déplace dans un centre commercial avec les restes de son domestique dans un sac et présente cela au commis du magasin d’humanoïdes.

 

- Mademoiselle, vous avez encore réduit votre robot en poussière! C’est le troisième en neufs mois! s’écrit le commis.

- Il n’ont pas les nerfs assez solides, je crois.. Enfin, je vais en reprendre un autre svp..

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